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Un flatte dans ma vie

Un flare dans ma vie

 

La Havane. Avril 2019.

Il est comme tard dans la nuit.

 

« Comme » car la notion de temps est absconse pour un bonze insomniaque qui trouve son bonheur dans les faveurs des venelles obscures. Voilà un moment que je divague sur le pavé havanais, bercé de vapeurs éthyliques aux saveurs de vieux Ron et de rêves inassouvis. 

 

Il y a comme un fard dans la nuit.

 

Je ne souffre pas de blépharite, c’est dans mon âme que la brume s’immisce. Il y a bien cette femme qui brise le silence en susurrant sur le seuil d’une porte quelques mots insensés ou encore ce gosse qui salut un senior dans la sueur du soir, mais rien ne me soustrait à ma lente descente vers cet état de transe auquel j’aspire si souvent. Et peu à peu, j’y suis. Une rue déserte diaprée de noir. Quelques lueurs artificielles perchées sur les murs suggèrent la réalité de ce monde. La robe d’une cubaine endormie sur le trottoir dont la blancheur est à peine perceptible. Pas un son. Je suis bien.

 

Il y a comme un phare dans la nuit.

 

J’entends soudain ronronner. Une lumière aveuglante s’approche pour, elle aussi, me soutirer à mes songes. Doucement, le spectre immaculé avance dansant à la cadence du moteur rugissant. Je lutte pour ne pas rallier le réel laissé par-derrière quelques instants plus tôt. Combat difficile... Je lâche... Mais c’est sans compter sur cette fulgurance éblouissante au point d’en troubler ma vue. C’est la subite amaurose du présent qui m’assaille à nouveau. C’est si bon et...

 

Il y a comme un flare dans ma vie.

 

Je shoote...



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Ectasy

Ecstasy

 

Berlin. Après guerre.

La douleur est insupportable. Ce gars s’est acharné sur moi comme un fauve sanguinaire sur sa proie...

Je cours. Je fuis. Chaque pied que je pose sur le sol carrelé de ce couloir interminable fait affluer un peu plus fort le sang dans mon crâne. Avec lui, le flot hémorragique d'une souffrance que je n’avais encore jamais connue jusqu’ici. Mais je n’ai pas le choix, il faut que je sorte d’ici maintenant. C’est peut-être ma seule chance de revoir mes proches. Je me souviens avoir repéré ces escaliers de secours à l’extérieur du bâtiment quand ils m’ont emmené. C’est par là que je quitterai cet enfer.

 

Quelques heures plus tôt, ils sont venus me cueillir. Nous faisions l’amour, Perrine et moi. Perrine… Qu’est-elle devenue ? Je ne l’avais pas vue depuis 15 jours. Elle était bloquée au QG à Paris. Mais elle avait réussi à me rejoindre.

 

Tout s’est enchaîné très vite. Ils m’ont molesté, menotté et m’ont obligé à les suivre nu, les mains dans le dos et, mon érection ayant rapidement perdu de sa superbe, la queue entre les jambes. 

 

Mais que me veut la Section ? Et qu’est-ce qu’ils fouttent là ? Je croyais ce temps révolu. Quand nous sommes arrivés dans cette grande pièce, sans mot dire, ils m’ont attaché et ont commencé à cogner. J’ai eu mal. Horriblement mal. Mais il était hors de question de leur faire le plaisir du moindre gémissement de ma part. Je suis resté concentré sur le papier peint bleu que je n’avais pas vu depuis plus de 40 ans, celui-là même qui ornait ma chambre d’enfant. Coïncidence ? Je ne sais pas.

 

Ils m’ont demandé où était François. Je n’ai rien dit. L’Omerta est de mise chez le sicilien. Et puis ils doivent savoir que Renaud l’a exfiltré lundi à cause d’un abcès dentaire. S’ils étaient moins cons, ils sauraient que le vendredi, à cette heure, il est à la galerie.

 

Et il y a cette blonde qui est entrée. À vue de nez, je dirais, 1m80, 95C, 60, 90. Elle n’était vêtue que d’une paire de Louboutin rouge et d’une casquette 9forty noire à l’effigie des Yankees. Etrange pour une nana qui bosse pour la RDA… Tenue un peu légère avec le froid qu’il fait, mais ça m’a permis de constater que l'or de ses cheveux n’était pas artificiel. Et puis, j’ai enfin su ce qu’ils me voulaient.

 

« Où est donc passé ta jeunesse ? » m’a t-elle demandé. J’ai réfléchi, mais que répondre ? Si je le savais, c’est elle qui serait à ma place, attachée à la chaise, à la merci de mes moindres désirs. Cela dit, je ne suis pas fan des grosses poitrines.

 

J’atteins enfin ces escaliers. Mais que s’est-il passé entre la blonde et maintenant ? Il y a quelque chose qui cloche…

 

Je descends, traverse la rue, enfin libre. Ou presque… Le coiffeur de Meritxell me barre le chemin pointant sur moi un Luger parabellum flambant neuf. Mais bordel, que vient faire le coiffeur de Meritxell dans cette histoire ? Il tire…

 

Barcelone. Mars 2020.

La détonation me sort de ce voyage entre rêve et ténèbres. 15h45. Réveil difficile. Sueurs. Analyse de la situation. Non, ce n’est pas seulement ce film bizarre que j’ai regardé en allemand hier sur le Netflix de Daffke qui m’a emmené si loin. Je me lève. Pose mon melon sur la tête, prends mon M et fonce à deux rues de la Projekteria, là où je suis passé par hasard la veille. Et il est là, ce bâtiment qui m’obsède depuis hier et qui, sans raison aucune, me fait penser à des bureaux de la Stasi. Ou plutôt vu mon état, de l’ecstasy. Je shoote !



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L'air de rien

L’air de rien

 

Ban. Août 2020.

Il tonne, l’air de rien, comme s’il voulait n’effrayer personne.

 

Pis encore, il chantonne au rythme des gouttes de pluie qui, tapant un sol terreux, battent la mesure pour faire danser les feuillages vibrant au gré du vent.

 

Et moi je suis là, l’air de rien, attendant comme un idiot que le ciel se déchaine. A quand la colère ? A quand la terreur ? Les orages ne sont-ils pas fait pour nous rappeler que nous ne sommes rien ici-bas ? Enfant, je l’ai cru en tout cas.

 

Et l’air de rien, je le crois toujours... Mais pas comme ça ! Les chimères de l’azur tourmenté, qui à l’accoutumée grognent pour s’annoncer, hurlent pour faire trembler et tonitruent jusqu’à retourner les tripes des plus téméraires, sont devenues chats dociles ronronnant pour quémander quelques caresses.

 

Le Monde change et, l’air de rien, même la Nature s’embourgeoise ! Pas étonnant qu’autour de moi chacun vaque à ses activités sereinement, rien n’est à craindre. Quelle angoisse ! Depuis toujours, sans rime ni raison, le bruit de la foudre lénifie mes peurs et d’autant plus si son fracas se veut des plus abasourdissants. Pétrifié par cette douceur qui ne devrait pas, je reste coi, le corps atone.

 

Et lui, toujours il tonne, l’air de rien, comme s’il voulait n’effrayer que moi. Je shoote !



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Entre deux mondes

Entre deux mondes

 

Entre Thillois et Gueux. Juillet 2020.

Endroit étrange s’il en est. Le circuit de Reims... N’est pas à Reims. Quelque part dans la campagne champenoise, ses vestiges s’érigent entre deux villages, sans veritable citoyenneté, tel un clandestin fait de pierres et de tôles qui court vers un futur incertain en trainant pour seul bagage la gloire éphémère d’un passé lointain et glorieux. Un rôdeur entre deux mondes.

 

Émotions antipodales. Errant sans but particulier dans la bâtisse, je suis abasourdi par la quiétude prégnante qui a pris possession du lieu depuis sa désertion. Le vide cogne dans mon crâne au point d’oblitérer les vrombissements des cylindrées hurlantes que font rugir à l’extérieur quelques jeunes en mal de sensations fortes. Les fauves motorisés se font chatons mutiques. Pas un bruit et pourtant, le silence n’est plus. Je me sens bien, lénifié par une ouïe adirée entre deux mondes.

 

Un voyage sans fin. J’en ai l’espoir en tout cas... Égaré dans ce dédale d’antan, je m’arrête devant une passerelle. Tout au bout, une rangée de drapeaux semble marquer la frontière entre toutes les nations et ailleurs. Tout porte à croire que la traverse ne mène nulle part et pourtant... Juste après, je distingue un chemin s’offrant à moi. Il va loin, très loin, entre ici et là-bas, se perdant entre ciel et terre. Nostalgie de mes 20 ans, je n’ai pas le désir d’aller vers l’inconnu mais resté ici, dans l’incertain, m’est difficile. Que choisir ? Je ne sais pas. Je suis bien, là, seul avec mes pensées brumeuses et vagabondes. Alors pour ne pas oublier, avant de me décider, entre deux mondes, je shoote !



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Une lumière que je ne veux plus

Une lumière que je ne veux plus

 

Barcelone. Mars 2020.

La nuit fuligineuse submerge la ville peu à peu.

Se faisant plus dense à chaque seconde consumant le temps, elle livre bataille aux clartés  artificielles et aux quelques nuages qui morguent les ténèbres, réverbérant l’éclat de la lune à travers leurs corps éthérés.

 

Ambiance apaisante. Je me sens bien comme chaque fois que l’obscurité reprend ses droits la fin du jour venant.

 

Ambiance sédative. Je me sens ivre comme chaque nycthémère qui se meurt laissant amertume et frénésie citadine derrière moi.

 

Rituel adolescent, j’implore le sort de mettre fin à cette guerre qui se répète depuis la création du monde. Je supplie de toute mon âme de voir la pénombre triompher à jamais de la nitescence aveuglante. 

 

Le noir doit régner pour asservir la vésanie des Hommes. Comme un dernier souhait, j’ai la conviction ce soir que mes voeux seront exaucés. Je sillonne des venelles si sombres qu’elles semblent sustenter ma cause. Et à travers mon viseur, je me réjouis, très optimiste, en éprouvant les vitesses d’ouverture s’allonger.

 

C’était sans compter sur Colomb pointant haut son doigt dans le firmament. Comme c’est étrange, juché sur sa colonne, il me rappelle Nelson régnant sur Trafalgar Square, me soufflant également que, finalement, tout est lié. Londres et Barcelone. L’aube et le crépuscule.

 

Pis encore, il met fin à tous mes espoirs. D’un geste ostentatoire, il désigne cette miraculeuse lueur qui naît dans le néant pour se diviser et déchirer l'opacité qui trône. Je comprends alors que demain le soleil se lèvera. Terrassant une fois encore le chaos tant désiré. Et brûlant mes rêves d’une lumière que je ne veux plus. Je shoote.



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Knock Out

Knock out

 

Barcelone. Mars 2020.

Mélodie du sable chantant sous mes pieds foulant la plage. Je respire.

 

Escapade improvisée suggérée par deux amis après un week-end de festivités. Je souffle enfin.

 

La brise entonne un air atone loin de la monotonie sédative qui sied si bien à ces moments de quiétude. Mon coeur bat chaque fois un peu plus fort au rythme hasardeux des caresses éoliennes sur mon visage meurtri de fatigue. J’ahane.

 

Et pourtant, pourtant, à mon secours se suspend le temps qui me sait las de la confusion névrotique qui me submerge chaque jour un peu plus. Nous allons à mal. Je le sais. Qu’y puis-je si ce n’est d’aspirer au bonheur de cet instant présent ?

 

Je jouis de cette césure qui s’offre à moi. Ce murmure dans le chahut. Cette accalmie dans le wortex de la vésanie des Hommes. J’exhale.

 

Au loin les palmiers me hèlent. Comment ne pas répondre à l’appel ? Ils sont la gloire. Et le soleil. Plus encore, ils sont le triomphe sur la mort. Je m’approche. Ils me susurrent l’entre-deux terre sur laquelle nous sommes. Je ne suis ni ici, ni ailleurs. Je hume l’euphorie de ce néant.

 

Il va se passer quelque chose. Futur incertain. Profonde conviction qui me hante. J’ai peur. Effrayé par mon devenir. Celui de nos enfants. Et de cet avenir de cendres que nous bâtissons. Apnée.

 

Ils vibrent. Ils dansent. Cajolés eux aussi par le frais. Et juchées sur le haut des troncs, leurs alvéoles trémulent aux va-et-vient de la vie qui les pénètre. Nous communions. Et je savoure le chaos. Celui juste avant ce nouveau monde qui nous plongera dans l’obscurité. Oui, comme un dernier soupir, je me délecte du chaos avant le K.O. Je shoote !



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Qui suis-je ?

Qui suis-je ?

 

Sicile. Juillet 2017.

Toujours la même question qui me taraude face à la vastité d’un ciel cérulé où surgissent quelques nuées claires et éthérées qui sourdent, de-ci de-là, tels ces lémures tourmentant mon coeur à chaque joie et peine qui ponctuent ma vie.

 

Que suis-je ?

 

Un rien dans l’univers ? L’azur n’a pas sa fin, ici, sur l’Etna qui, depuis toujours, semble marquer les confins du monde que je me suis construit depuis la tendre enfance. La voûte, à la fois m’angoisse et me transporte à travers temps.

 

Où suis-je ?

 

Quarante ans plus tôt sans doute ? Pris de vertige mes yeux se ferment. J’entends mon père soudain se taire pour ne laisser place qu’à l’éréthisme qu’il m’a transmis pour ces terres qu’il aimait tant. Et pourtant... Le silence qu’il n’a jamais su briser fait encore écho dans mon corps toujours jacent du manque de lui.

 

Qui suis-je ?

 

Le naufragé d’une existence parfois houleuse ? Peut-être. Ce dont je suis sûr, c’est d’être cet orphelin égaré là, dans ce macrocosme, en quête d’un guide sur le chemin difficile menant au refuge de son âme en ce bas monde. Je shoote.



CarCam est un artiste représenté par la

16 rue Sainte Anastase

75003 PARIS

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