Underground until clouds

Photos visibles à la Galerie RASTOLL - 16 rue Sainte Anastase 75003 PARIS - 

durant l'exposition collective Urbanitas 8 du 30 octobre au 24 novembre 2018

 

Au fil des années, CarCam s’éloigne de ses idéaux en se confrontant à l’indifférence quotidienne des Hommes et à la victoire des artifices que le 21ème siècle promeut sans détour.

 

Peu à peu, l’artiste n’arrive plus à profiter des plaisirs simples de l’existence, incapable de prendre le recul nécessaire pour faire face à cette culpabilité d’appartenir à un système qu’il critique tant mais dont il profite lui aussi. Il s'emprisonne doucement… Se cache dans son univers. Il se plait à fuir la lumière du jour qu’il croit ne plus mériter. Il évite les contacts directs, n'observe les gens qu’à travers les reflets des vitres et préfère ne s’attarder que sur les traces qu’ils ont laissées.

 

Et un jour, il décide de refaire surface. Voulant laisser derrière lui ses pensées obscures, il entame un chemin long et parsemé d'obstacles. Son objectif est plus ambitieux encore. Il veut s’élever comme jamais il ne l’a fait pour voir le monde de tout en haut.

 

Underground until clouds nous raconte ce voyage difficile durant lequel CarCam doit quitter ses rêves qu’il a peint de noir. L’artiste nous emmène dans un périple où il peine à sortir du dédale souterrain qu’il s’est construit, une odyssée où il devra faire face aux éléments et affronter ses souvenirs pour se tourner vers l’avenir.

 

Underground until clouds est l’histoire d’un homme qui veut reprendre goût à la vie. L’histoire d’un homme qui veut se reconnecter avec ce qu’il est vraiment.

 

Underground until clouds est l’histoire d’un homme qui veut sortir de terre pour atteindre les nuages…


Avulsion
Avulsion

Avulsion

 

Paris. Septembre 2017.

J’étais si bien dans le métro… Bien au chaud. J’étais surtout loin de tout… Parti dans des rêves si doux qu’ils berçaient la noirceur de mes pensées dans une ambiance cotonneuse créée de toutes pièces par les allées et venues des badauds et les traces nébuleuses qu’ils peignaient sur les reflets des vitres de la rame… Oui, bien-sûr, je suis largement aidé par les vapeurs de ce délicieux Caol Ila qui coule encore dans mes veines…

Mais ma décision est prise, le retour à la réalité est devenu nécessité. Il faut refaire surface pour recouvrer la vie, pour retrouver ses proches. 

Je me dirige vers la sortie et... Wouhaou ! Qu’est-ce qu’il tombe ! C’est beau et à la fois quelque peu bloquant pour faire son come back... 

Je suis faible... quelques gouttes d’eau suffisent à freiner mes ardeurs ! Pourtant il me semble que l’être humain est imperméable… Mais je ne suis pas le seul à hésiter. Le gars à côté de moi est tout aussi dubitatif.

 La situation me rappelle ces moments où... Tu vas chez le dentiste… Tu as tardé le plus possible pour prendre rendez-vous mais le mal devenant insupportable, tu t’y es contraint. Et tu sais que ça va te faire du bien mais, qu’auparavant, tu vas souffrir de tous tes os. 

Là c’est pareil... Ok, je suis aviné mais devant cette averse qui rappelle le Déluge, il ne s’agit pas d’une simple sortie, mais d’une extraction de dent ! Mais quand il faut y aller, il faut y… Ouchhhh ! Le mec qui patientait avec moi se lance ! Probablement pour me montrer l’exemple ! Je ne vais pas être contrariant, je vais le suivre… Mais avant de procéder à cette avulsion de moi-même, je shoote !

Peaky Lovers
Peaky Lovers

Peaky Lovers

 

Agrigente. Juillet 2017.

Au beau milieu de la vallée des temples, site archéologique bien connu sur la Trinacria, je tombe sur l’une de ces déclarations aux allures d'engagement que se font les gamins en sculptant au canif leurs initiales sur les troncs d’arbres… Mais là, la promesse est ciselée sur… Un figuier de barbarie ! Humour noir ?...

Toujours est-il que je trouve cela amusant… Ou sarcastique plutôt… Je ne sais pas pourquoi mais je pense à cette célèbre série contant l’ascension d’un clan mafieux dans le Birmingham du début du XXème siècle. Enfin si, je sais… 

Ceux qui ont fait ça sont probablement jeunes, certes, mais doivent avoir l’expérience suffisante pour connaître les dangers qu’implique une relation amoureuse… Difficile à graver, impossible à saisir à pleine main, s’appréhendant avec prudence au risque de se retrouver, à terme, avec une épine dans le pied !

J’ai cependant le sentiment que nos donneurs de leçons nous rappellent que l’aventure vaut la peine d’être vécue ; qu'elle peut être cadencée au rythme des saisons, passant du chaud au froid, de la pluie au grand soleil, pour finalement toujours donner fruits et fleurs aux mille parfums et au nuancier de couleurs les plus merveilleuses. Amour intense, passion piquante.

Alors je ne peux m’empêcher d’approcher de l’oeuvre d’art cactoïde et, « sur Ordre des Peaky Lovers », je shoote !



Juste au-dessus
Juste au-dessus

Juste au-dessus

 

Quelque part au-dessus du monde. Juillet 2017. 

Ce n’est pas grand chose mais la douce chaleur qui effleure mon visage est un bonheur sans nom.

 

Ce n’est pas grand chose mais la sueur au gout salé qui coule sur mon front pour rejoindre mes lèvres me fait revivre ses merveilleux souvenirs quand, enfant, je léchais mes avants-bras avec délectation après une virée en vélo. 

 

Ce n’est pas grand chose mais les quelques frissons qui font vibrer mon corps me rappellent à quel point j’existe. Là, maintenant. 

 

Ce n’est pas grand chose mais ce silence qui, pour beaucoup, annonce le néant résonne en moi comme l’écho de l’univers. 

Ce n’est pas grand chose mais la lumière éthérée est une merveille pour les yeux. 

 

Ce n’est pas grand chose mais les nuages sont si proches. 

 

Ce n’est pas grand chose mais devant l’infini qui s’offre à moi, je ne me sens pas rien. 

 

Ce n’est pas grand chose mais je renais. 

 

Ce n’est pas grand chose mais je suis là... Juste au dessus du monde. 

 

Ce n’est pas grand chose, je (me) shoote...


Et l'amour dans tout ça ?
Et l'amour dans tout ça ?

Et l'amour dans tout ça ?

 

Catane. Août 2017.

"L'Homme a-t-il besoin d'art ?". Silence dans la classe… Le prof vient d'ouvrir la séance sur un thème très classique, et quelque peu sempiternel même. Je sors de mon habituelle léthargie pendant cet enseignement espérant une discussion intéressante dans cette classe de matheux. Le petit blond du 2ème rang lance les hostilités : "On va finir de bonne heure ! Je n'ai jamais mis les pieds dans un musée, il n'y a pas UN tableau chez moi et je n'ai jamais touché un pinceau. Et pourtant, je suis encore de ce monde ! Je n'ai pas besoin d'art mais juste de respirer, dormir, manger et boire pour vivre. Fin de la démonstration !". Silence de nouveau… Mais cette fois, avec nombre de sourires fleurissant sur les visages de nos camarades. Quand soudain… "Connard ! Ton approche, en plus d'être stupide, est incomplète et simpliste. Qui te parle de besoin vital ? Pourquoi limiter la notion d'art à la peinture et aux musées ? C'est vrai, tu n'as pas besoin d'art, tu as besoin d'un cerveau !"…

 

C'était il y a plus de 30 ans. C'était la première fois que je réagissais en cours de philo à l'intervention d'un de mes copains et ce,  d'une manière tout aussi puérile que lui. Et c'est en tombant devant cette vitrine par une belle soirée d'été que je revis ce flash black de mes années lycée ! Ce "all we need is art" m'amuse, me rend presque nostalgique et me rappelle avec quelle ferveur nous avons tous défendu notre point de vue ce jour-là. Et il y a ce « LOVE" - dégoulinant de peinture - ajouté là comme pour ouvrir le débat. Il m'intrigue, m'interroge même… Mais c'est un autre sujet tout aussi complexe sur lequel je ne me sens pas de réfléchir maintenant. Et pourtant…

 

Je cadre et me vois de nouveau assis à mon pupitre, défendant de mes arguments creux la notion de "besoin d'art". On peut dire que l’art n’est qu'un commerce de plus né de nos sociétés modernes. Ha oui ? Et les hommes préhistoriques alors ? Je ne suis pas sûr que les auteurs des peintures de Lascaux voulaient s’enrichir…Certes, l'art n'a peut-être aucune utilité pour garder l'être humain que nous sommes en vie, faire fonctionner nos organes, nous alimenter en oxygène… Cependant, si j'osais… Moi, il fait battre mon cœur ! Et puis rester en vie n'est pas vivre, survivre tout au plus...

 

L'art est finalement un moyen d'expression. Suscitant admiration ou dégoût, joie ou tristesse, rires ou larmes, apaisement ou colère. Il crée des liens magiques et invisibles entre le créateur d'une œuvre et celles et ceux qui la découvrent, l'interprètent, se l'approprient ou la rejettent. Superflu l'art ? Pfffff ! Une nécessité spirituelle oui ! Nous avons tous besoin d'art, il nous distingue des animaux, nous rend juste un peu plus humain. L'art n'est qu'émotions à bien y réfléchir, la Vie quoi !

"LOVE"… Je l'avais oublié celui-là… Oui, et l'amour dans tout ça ? Ben c'est pareil non ?... Je shoote !


L'ombrella
L'ombrella

L'ombrella

 

Paris. Octobre 2017.

Quel idiot ! Je suis là, devant cette vitrine à rêvasser devant ce pébroc… C’est devenu un rituel chaque fois que je me rends chez le barbier.

 

Il est là, toujours placé au même endroit. Il m’attend. Il me rappelle à quel point je chéris les parapluies, à quel point je les hais aussi… Et à quel point ils me ramènent dans le passé !

 

Tout a commencé dans ma jeune adolescence. Je ne sortais jamais sans. Qu’il pleuve, bien-sûr, mais également qu’il neige, qu’il vente, par temps de brouillard mais pire… Il ne me quittait pas non plus s’il faisait grand beau. Bah quoi ? On ne sait jamais après tout ! La météo est si capricieuse.

Quand mes amis s’interrogeaient sur l’utilité d’un tel accessoire les jours d’été, je n’hésitais pas à mentir en expliquant qu’en cas d’orage improbable, il protègerait l’apparence de feu ma crinière que j’avais eue temps de mal à dompter à coup de sèche-cheveux et de gel pâteux.

 

Mais je savais que quelque chose se cachait derrière cette obsession… Sans vouloir faire de psychologie à deux francs six sous, il y a bien ce symbole de protecteur qui m’était passé par la tête… Mais pour me préserver de quel danger ?… À part les quelques gouttes d’eau que nous offre Dame Nature ?

Des années plus tard, j’apprends qu’il est parfois interprété dans les rêves comme signe de défense émotionnelle… Mmmmmh… Intéressant…

 

Je décide de me voiler la face… Un parapluie, c’est beau ! C’est pour cette raison, qu’encore aujourd’hui, j’en ai souvent un avec moi, et nah ! Et c’est tellement joli dit en italien : « Ombrella ». Si délicieux à entendre qu’il se nomme « Umbrella » chez nos voisins anglo-saxons !

Je sors mon appareil photo. L’image onirique que je vois naître me fait battre le coeur. La  silhouette fière et élancée de ce que je me refuse à nommer « pépin » m’appelle à déclencher. Je m’évade trente ans plus tôt au coeur de mes belles années… Tout y est. Enfin presque... Le sourire aux lèvres, comme un gamin fier de son mauvais jeu de mots je me dis qu’en plus… L’ombrella ! Je shoote !


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Lueur salvatrice

Lueur salvatrice

 

Bruxelles. Avril 2018.

La Grand Place brille de mille feux.

C’est magnifique… Mais les badauds sont trop nombreux.

Vraiment trop.

Sensation d’être à l’étroit. In vitro.

 

Etouffement. Oppression. Prisonnier.

C’est ça, prisonnier. Condamné.

Je dois trouver une issue… Vite !

Je crois voir un point de fuite.

 

Tête baissée entre les gens, mon corps se glisse.

Fébrile. Puéril. Comme l’impression de tomber dans l’abysse…

Mais j’arrive à sortir de cette geôle, enfin.

Je me retourne, je suis loin…

 

Et pourtant… Pareil.

Oppression. Prisonnier… Toujours pareil !

Que faire ? Réfléchis. Bien. Mieux…

Sois efficace… Et compendieux.

 

Je lève les yeux dans la nuit noire…

Non loin du panneau « P - LIBRE», un espoir…

Un halo mystérieux… un remède au burn out.

Une lueur immatérielle et salvatrice… Je shoote


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Stairway to never

Stairway to never

 

Syracuse. Juillet 2017.

« There's a lady who's sure all that glitters is gold

And she's buying a stairway... »  ♬♩♩♫♪♬

 

Devant cet escalier qui ne va nulle part, je ne peux m’empêcher de chantonner le succès de Led Zeppelin… Et de penser à ses paroles aux nombreux sens et, reconnaissons le, disons… étranges !

 

Il faut dire que, voilà plusieurs années que moi aussi, je cherche les marches qui mènent vers quelque paradis ; mais... C’est une quête bien difficile ! Alors, quand je vois que celles-ci auraient pu me conduire directement vers ce superbe ciel placé derrière si personne n’avait muré la porte du n°8, je souris et... Ne peux m’empêcher de douter... Et douter encore !

 

J’ai envie de voir de plus près... De monter pour toucher les briques... Sentir sous mes mains la rugosité de la pierre... Chercher une ouverture... Quelques signes plus optimistes d’un chemin vers les nuages...

 

Pourquoi diable quelqu’un a-t-il condamné ce possible voyage vers des jours heureux ? C’est angoissant... Dois-je y voir un message subliminal pour la suite de mes pérégrinations ? J’espère que non...

 

Je m’approche malgré moi... Je suis comme aspiré, happé vers cette impasse dans laquelle je ne veux pas m’engager, pour, je le sais, me trouver piégé... Peut-être pour toujours...

 

Non non non non et non ! Il y a forcément une solution.

 

♩♫♪♬♩ « Yes, there are two paths you can go by, but in the long run

There's still time to change the road you're on »  ♩♫♪♬♬♩

 

Je résiste.

Je m’arrête. 

Je me cache... Derrière mon viseur...

Les battements de mon cœur se font moins violents...

 

Je reprends le dessus ! ♫♪♬ « To be a rock and not to roll... »  ♬♩♩

 

Je vois cette ouverture juste à côté, une alternative au pire, une arythmie aux cadences imposées par la vie...

 

C’est par là que je m’engouffrerai. Je sauterai le mur s’il le faut. Comme la ladydes Led, je veux m’offrir a stairway to heaven... Not to never... Je shoote ! 


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C'est toi le chat !

C’est toi le chat !

 

Ragusa. Juillet 2017.

Etonnant, cette inscription sur cette porte : « CHAT-> ». Je m’imagine déjà des gosses en train de s’adonner au jeu que nous avons tous pratiqué étant jeunes.

 

Jusque là, rien d’anormal. Mais ce qui m’interpelle, c’est que le graffiti a des allures de dénonciation avec cette flèche qui semble indiquer où se trouve le chat en question. Je trouve ça vraiment étrange au pays de l’Omerta !

 

Sauf si l’explication est ailleurs… Non non non ! Reste sur Terre, ne plonge pas dans un de ces délires fantasmagoriques dont tu es coutumier…

 

Mais après tout, ce n’est pas divagation de constater que, depuis plus de 40 ans, j’ai le sentiment de jouer... À chat...avec ma Vie. J’ai parfois l’impression qu’Elle m’échappe. Je nourris sans cesse le désir profond de vouloir L’approcher, La toucher même. Ne serait-ce du bout des doigts…

 

Mais chaque fois c’est pareil. J’y suis presque… Je suis là, tout près d’Elle… Et Elle se dérobe me laissant avec cette grande frustration de ne pas avoir pu lui dire : « Chat! ».

 

Alors évidemment, quand je vois une information de la sorte, perdue quelque part en Sicile, je suis en droit de m’interroger, non ?! Et c’est bien ce que je fais pendant que je pose mon cadre… En y réfléchissant, j’ai comme… Une révélation ! Si le félin se trouve en haut des escaliers comme tout porte à croire, c’est que… Ce n’est pas à moi de courir ! Ou peut-être que ce n’est pas ma Vie que j’essaie de rattraper mais… Moi tout simplement… Houlala ! Je suis parti loin… Mon esprit s’embrume mais ce que j’en retiens avec une joie qui doit se lire sur mon visage c’est que… « C’est toi le chat ! ». Moi, de mon côté, je shoote !

Quête de ket
Quête de ket

Quête de ket

 

Bruxelles. Avril 2018.

J'ère dans la ville, pratiquant, comme à mon habitude, la marche autotélique. Enfin, pas si autotélique que ça à dire vrai…

 

Appareil à la main, je nourris le secret espoir de ramener quelques photos sympas de la capitale belge. Après quelques vains essais sur la Grand-Place, trop touristique à mon goût, je me trouve dans une rue désertée par les quidams.

 

"Le Ket de Bruxelles" ?... Mais qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Peut-être rien… Mais ma curiosité me pousse à sortir mon pocket phone pour une recherche "wikipedieuse" de toute urgence ! Ha voilà, j'ai trouvé. "Ket (mot invariable) : un jeune, un gosse".

 

Parfait ! Un peu facile comme idée, mais je pose quand même mon cadre et décide d'attendre le môme qui va venir animer cette image…

 

Patience…

 

Toujours rien…

 

Petit petit !

 

Grrrrrrrr !

 

Allez, encore quelques minutes, il va arriver…

Bordel, ce n'est pas possible ! Il me semblait que la croissance démographique ici était exponentielle ! Il doit bien y avoir quelques moufflets qui trainent sur les pavés.

Bon okay, je laisse tomber. Il faut savoir baisser les armes et, qui plus est, quand il n'y a personne à combattre. Je tourne le dos au commerce et continue mon chemin.

 

"Hihihihihihi !!!" Je ne pense pas avoir rêvé. J'ai bien entendu le rire d'un enfant ! Une fillette, je pense.

Je me tourne doucement et… Ouchhh ! Droit sur moi, ce n'est pas un mais deux morveux qui viennent vers moi ! Ce que j'imagine être la petite sœur, se gausse sur les épaules de l'ainé qui s'est improvisé sherpa d'un jour !

 

Il est peut-être déjà trop tard, ils avancent vite. Je mets l'œil dans le viseur, je vois bien en arrière-plan l'enseigne qui m'a stoppé tout à l'heure et, heureux que ma quête de Ket soit plus fructueuse que jamais, à la volée, je shoote !

Un fantôme… Comme nous tous…
Un fantôme… Comme nous tous…

Un fantôme… Comme nous tous…

 

Paris. Octobre 2017.

Ligne 4, tard le soir, je scrute. 

J’observe l’indifférence collective dans laquelle nous nous complaisons tous...

 

Il y a ce gars en plein milieu de la rame avec ses écouteurs sur les oreilles qui parfois tente de lire sur les lèvres de la personne qui lui demande un peu de place pour passer. 

Je vois ces gens la tête baissée sur leur smartphone, souffrant tous de monoplégie nucale. 

 

Il y a ce sdf aussi. Les plus téméraires d’entre nous se sont essayés à un regard furtif, juste par curiosité, juste pour voir ce à quoi nous avons échappé. 

 

Loin de moi l’idée de jouer les donneurs de leçon ! Je sais que je souffre, pareil à mes congénères, de cette même Schizoïdie volontaire.  Et pire même, je m’en réjouis parfois...

 

Je peux en effet voir sans être vu et appuyer ainsi sur le déclencheur de mon appareil photo sans risquer d’être ennuyé par une de mes victimes. 

 

Les portes du wagon se referment... Les vitres me renvoient l’image d’un  homme qui regarde sans réaction la vie autour de lui... Comme nous tous. 

 

Une jolie fille passe devant nous. Son visage est stoïque, ses yeux sans émotion. Il est là, sans l’être vraiment. Un esprit qui a perdu son âme. Un fantôme parmi les Hommes… Comme nous tous d’ailleurs… Je shoote !

Chez la Nonne
Chez la Nonne

Chez la Nonna

 

Catane. Un été, en juillet.

1978.

45°C à l’ombre.

Dans la pièce sans fenêtre donnant sur le trottoir, ma mère se désaltère. Elle regarde avec suspicion le verre posé devant elle. L’eau courante n’est pas des plus limpide ici... Et la locataire n’est pas une experte en propreté.

L’endroit sert de salon. Mais aussi de chambre à coucher, de terrasse, de lieu pour recevoir les invités, de rendez-vous… Le lit double côtoie la télévision à tube cathodique, les chaises au bois usé par les années ou récupérées ça et là, et la petite table pour manger.

 

Le melting pot d’odeurs ne peut s’oublier. Ça sent le renfermé, la poussière, la gériatrie et la mauvaise cuisine. Parfois, une odeur d’urine vient relever le tout. La chasse d’eau n’est pas très fonctionnelle…

 

J’adore cet appartement. Bien-sûr, je déteste les longues heures à attendre que… En fait, je ne sais pas ce qu’on attend ; les grands ne me l’ont pas dit. J’aime venir, malgré tout. J’espère juste qu’on ne restera pas manger… Elle cuisine si mal. En plus, peut-être que zio Lello aura préparé les délicieux arancini dont il a le secret.

 

« Djanine, dov'è Mimmo ? (1) » La voix rauque de la grand-mère rompt le silence et sort Maman de son ennui. « No lo so. Non m’ha detto niente prima di partire (2) ». La vieille sort la main, de la poche de la blouse aux couleurs passées qui lui sert de robe, la lève au ciel en signe de mécontentement et râle dans sa moustache aux poils blanchis par le temps,« Mincchia… (3) ». Elle se déplace avec difficulté, basculant ses épaules d’un côté de son corps puis de l’autre tel un pantin de bois qu’un morveux déplacerait en s’amusant. Elle s’approche de la porte ouverte sur l’extérieur. « Mimmo ?!!!!!!!! » Comme si le cri que la moitié de la ville a perçu n’était pas suffisamment éloquent, elle recommence à appeler son fils : « MIIIIIIIIIMMMMMO !!!!!!!!!!!!!!!!!! ». Dehors, à quelques pas de là, papa feint de ne pas entendre…

 

Les pavés noirs, taillés dans la pierre de lave de l’Etna, fument. Ma petite soeur devant moi, nous posons, accroupis tous les deux, devant le vieux Minolta de mon père placé juste au-dessus de nous. 

 

Torses nus, collés l’un à l’autre, je me délecte du parfum laissé par le shampoing Cadum de Céline. La moiteur de sa peau me réchauffe plus qu’il ne faut mais fait battre mon coeur plus vite encore. Je l’aime cette petite. 

 

Je la trouve rigolote avec sa grosse culotte rayée de blanc et de bleu, ses cheveux mal peignés et son air malicieux. Elle est toute sale. Je ne dois pas être mieux, on s’est roulé par terre en jouant tout à l’heure. 

 

J’en oublie la coupe au bol que m’a fait Maman avant de partir. Je m’en fiche de ne pas aller chez le coiffeur mais Didier Grenouille à l’école s’est moqué de moi à cause de ça. Je leur ai cassé la figure à lui et son nom d’animal !

De l’atelier de mon oncle, juste derrière nous, me parviennent les arômes de bois coupés et de blanc d’Espagne que j’aime tant. Ça me rappelle quand Papa fabriquent de beaux cadres en France. Je suis capable de passer des heures à le regarder poser les feuilles d’or sur les FL70. C’est beau toute cette délicatesse qu’il met pour ne pas casser la danseuse jaune qui virevolte, tremblante et fragile, avant de se poser sur la moulure humide...

 

« Mimmo ! Mim... »...

 

2017.

42ºC à l’ombre.

... « ...mo ! Mimmo ! ». Le prénom de mon père résonne dans ma tête. Je souris en repensant à cet été de ‘78. Tout me revient avec tendresse. Avec violence aussi. 

Je suis là, au même endroit, déserté par toutes les personnes qui ont animé mon enfance en Sicile. Certains sont loin, d’autres morts.

 

Je suis devant le 91 via Luigi Capuana à Catane. Papa me manque...

 

Je suis là, les yeux embués que je cache derrière mon viseur...

 

Je suis devant le 91, chez la Nonna et, avec la nostalgie de ce passé qui a participé à la construction de ce que je suis aujourd’hui et de ce que je serai demain, je shoote !

 

(1) " Jeannine, où est Mimmo ? " Le prénom de ma mère est difficile à prononcer pour un italien. Phonétiquement, « Djanine » est ce qui s’est fait de mieux par ma grand-mère

 

(2) " Je ne sais pas. Il ne m’a rien dire avant de partir " 

 

(3) " Bite… " Oui, vous avez bien lu. En sicilien, et en italien je crois, on n’utilise pas l'interjection « merde ! » pour exprimer l’étonnement, le mécontentement ou que sais-je encore. On préfère l'expression phallique plutôt que scatologique.


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Memento mori

Memento mori

 

Rome. Août 2016.

J’aime les têtes de morts ! Pourquoi ? Pour être très franc, la première raison est complètement puérile : ça reste le symbole du bad boy pour les gosses de tout âge !

On y voit, quand on a 10 ans, le pirate coiffé de son tricorne décoré du célèbre dessin de crâne surmontant les 2 tibias parcourant les mers à la recherche de trésors perdus. A 20, on se demande si on oserait se faire tatouer un skull comme le gars à l’air patibulaire que l’on vient de croiser dans la rue. Et à mon âge, la stupidité aidant, on rêve de bagues représentant le célèbre et lugubre emblème qui a bercé nos rêves d’enfance, enviant les marginaux de tout ordre qui n’ont pas peur de les exhiber à leurs doigts...

Que d’immaturité, je sais, mais pas que…

En passant devant cette vitrine au coeur de la Ville Éternelle, je me stoppe net, presque émerveillé. Il y en a partout ! Un livre grand ouvert sur la page d’une photo de l’icône morbide tant convoitée ; juste au-dessus, un tee shirt prend le relai pour le plaisir des yeux ; puis, à côté, c’est un parapluie magnifiquement surmonté de..., devinez quoi ? une tête de mort ! C’est décidé, je fais la photo !

Je cadre… Mais qui vois-je dans le reflet pour apporter la touche finale au tableau ?… Moi… Mmmmmh… Ça me rappelle à quel point je suis parfois obsédé par La Fin… Celle de mon existence. Les « comment ?", les « pourquoi ?", les « qu’éprouve-t-on juste avant ? » m’assaillent soudainement. Sans relâche. Sans pitié aucune. Et cette peur du juste après me revient comme chaque fois… Cette peur de ne plus ressentir… Cette absence d’amour, de colère, de chaleur, de froid, de… La peur du vide… La peur du rien…

J’en tremble presque… Je dois me ressaisir… Je dois me replonger dans mes longues réflexions sur le sujet, dans ces cogitations qui n’ont pas fait partir toutes mes frayeurs mais qui m’ont mené à… A C C E P T E R !…

Accepter que ce moment arrivera, accepter que je ne peux pas savoir comment ça se déroulera. Accepter, mais aussi admettre et même me réjouir, que si j’ai la chance de crever un jour, c’est que j’ai, en ce moment même, celle de VIVRE ! Si je peux rire et pleurer, aimer et détester, dormir, manger, boire, entendre les rires d’enfants, me délecter du vent sur mon visage c’est parce que je suis né pour… MOURIR !

C’est juste incroyable ! Dantesque même ! Et en me voyant là, au milieu de tous ces cadavres, je me souviens que je m’étais juré de ne pas oublier les conclusions de tous ces débats intérieurs et luttes intestines qui m’ont occupés des années durant.

Je vois en cette vitrine d’une boutique fashion, la promesse du memento mori que je me suis faite un jour… Je shoote !


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Existence ithyphallique

Existence ithyphallique

 

Bruxelles. Avril 2018.

« J’existe ». Cette petite affiche que je vois fleurir partout dans la capitale belge m’interpelle…

 

Ce n’est pas le mouvement politique derrière ce slogan qui me pose question mais juste ces deux mots. Ils sont grammaticalement épurés mais d’une efficacité que je trouve redoutable à ce tournant de ma vie.

 

Voilà des mois que je travaille sur ce que je suis, que je tente de me reconnecter avec mon « vrai moi ». Et depuis quelques jours, ce duo « sujet-verbe » martèle mon cerveau à chaque coin de rue, chaque bout de mur, chaque lampadaire. Il y en a partout, partout, partout ! « J’existe » par-ci, « j’existe » par-là, « j’existe », « j’existe », « j’existe », « j’exi… ». Un message à me faire passer ?

 

Ce que je trouve extraordinaire dans « exister », c’est l’essence même de l’existencede toute chose, de tout Être… Car ni mathématiquement, ni de manière cartésienne tu ne peux expliquer que tel objet ou telle personne existe!

 

Et moi, comme un con, je cherche depuis des lustres une manière de me prouver que… J’existe! Et j’ai oublié, jusqu’à aujourd’hui, qu’il faut juste y croire et tout simplement… Le dire ! Oui, il m’est sorti de l'esprit que l’existencene se déduit pas mais… Se constate ! C’est un truc de dingue, non ? Le simple fait de dire qu’un truc existefait qu’il... Existe! C’est d’une simplicité machiavélique !!! Mais je m’égare… Ou pas d’ailleurs…

 

Toujours est-il que c’est devant LA phrase posée sur CE bloc que je décide d’immortaliser ce qui semble faire maxime dans la ville. Pourquoi celui là ? Mon esprit déplacé sans doute, qui voit dans cette forme longue et droite, un priape érigé au beau milieu d’une foule qui ne fait guère attention au symbole masculin évident qui s’offre à elle. C’est probablement un homme en quête de sa virilité qu’il croit perdue qui l'a collée ici… Ou une femme, allez savoir… Mais je suis convaincu que le hasard n’est en aucun cas responsable de tout cela. Convaincu que quelqu’un a trouvé nécessaire de dévoiler à tous son désir d’existenceithyphallique ; j’affirme de mon côté que j'existeet c’est aussi pour cette raison que… Je shoote !




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